L'aimée morte larme
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03/04/2004 - 08/09/2004

Mélancolie

Je t'écris aujourd'hui, pourtant sous le soleil,
Mais mon coeur est empli par la mélancolie...
Pas la tristesse oh non, non ce n'est pas pareil,
Qu'un trop lourd baluchon à traîner dans la vie.

C'est comme s'il manquait... on ne sait jamais quoi :
Un ruisseau, un' forêt au milieu du désert,
Un jardinet secret sur la lune aux abois,
Le silence parfait au plus fort d'un concert,
Un baiser amoureux au sexe des putains,
Ton sexe capricieux quand tu me prends la main,
Le repos du guerrier au creux de l'aventure,
Le rire d'un bébé du fond des sépultures,
Une danse endiablée au sommet des montagnes,
Une bièr' déguisée en bulles de champagne,
Le joint que l'on fumait quand on avait trop bu,
L'amour qu'on arrachait dans le cou des faubourgs,
Un futur imparfait qu'on a déjà vécu,
C'est comme s'il manquait ce qu'il manque toujours.

Je t'écris aujourd'hui, je t'écris moi non plus,
Et mon stylo se plie sous la mélancolie,
Mais ce que je te crie, amour l'entendras-tu ?
Je n'entends moi aussi que le bruit de la pluie.

Entends-tu le vacarme au fond du silence ?
Ça ressemble à une arme éructant dans la nuit,
C'est comme une décharge ou un air qui se danse,
Comme la corne au large à mil lieues d'où je suis,
Le cor de Ronceveau sonnant en arabesques,
Le râle du blaireau qui sent qu'il y est presque,
Le fracas du tonnerre après un jour trop chaud,
Les éclats de la guerre à l'appel des hérauts,
Les pleurs d'un nouveau né qu'on écarte du sein,
L'aveu au flic zélé même si tu n'as rien,
L'émoi d'un baiser déposé dans ton cou,
Ta fleur qui veut mouiller appelant sa semence,
Le flic-floc d'une larme apparue d'on n' sait où,
Peut-être du vacarme enviant le silence.

Je t'écris aujourd'hui avec la main qui tremble,
Le coeur tout alourdi par la mélancolie,
Ell' me souffle des mots que pourtant il me semble
Avoir chantés plus tôt à ton âme attendrie.

Elle me vient en mots de sable et d'océans,
De jardins de coraux, de ta propre lagune,
Lorsque je m'assoupis sous la bise du vent,
Elle vient jusqu'ici pour me conter tes dunes,
Dans le creux de tes seins, du mont entre tes cuisses,
Quand mon sexe anodin consciemment s'y glisse,
Lorsqu' on a tell'ment joui que l'on est tell'ment bien,
Qu'au fond de notre ennui il ne reste plus rien,
Quand le soleil peut bien s'arrêter de tourner,
Que son goût de chagrin reste au fond du gosier,
Quand on voudrait rester avec sa Solitude,
Qu'on voudrait la tuer et voir son agonie,
Te suivant comme un chien ou comme une habitude,
La mélancolie vient comme vient une amie.

Je t'écris aujourd'hui, le coeur chaud de soleil,
Qui brillerait la nuit sur ta peau tant chérie,
Sous tes draps, sous ton lit, attendant ton réveil,
De ses rayons bleuis par la mélancolie.

03/04/04

Histoire d'oeil

Vous n'avez pas idée
Du monde qui vit
De l'autre côté de mes paupières
À toi
Je dirai
Je te raconterai
Ces couleurs
Que je ne sais même pas
Placer sur l'arc-en-ciel
Ces danses dénudées
Qui doivent être espagnoles
Tellement le soleil
Orchestre leur musique
Et la mer
La vraie
Qu'on appelle océan
Coule dans mes larmes
Comme coule la bruine
Sur mes lunettes de tempête

Lorsque je regarde les miroirs
Je sais qu'ils me voient
Et plus profond encore
Que toi tu ne peux me voir
Et je leur parle parfois
Attendant qu'ils répondent
Et qu'ils me content
L'envers de mes paupières
Là où le mauve creuse son sillon
Parmi le bleu marine des rêves
Et les miroirs m'appellent
Sans savoir me nommer
Qui es-tu ?
Toi que je connais
Sans jamais
Te saisir complètement
Ôte ces habits
Que je puisse savoir ton corps
Ôte cette peau de soie
Ôte cette chair pécheresse
Ôte ces os
Même pas liquides
Es-tu encore là ?
Que reste-t-il de toi ?

Un désir ?
Pendu à tes lèvres
Celles qui sont cachées
Sous la morale
Publique, forcément
Et qui veulent s'échapper
Pour rejoindre l'océan
Parfois il te reste des mots
Le Verbe absolu
Et des relents de poésie
Mais tes lèvres sont immobiles
Celles que l'on lit
Et l'on n'y lit plus qu'un baiser
« Qui palpite là comme une petite bête »
Parle !
Dis-moi
L'envers de tes paupières
Me vois-tu encore ?
Je suis là pourtant
Toujours
Si tu ne me crois pas
Tu peux me goûter
Tu te souviendras bien
Du goût que j'ai
Celui de la mer
La vraie
Qu'on appelle océan
Et qui vient s'échouer
Entre tes dunes attentives

Vous n'avez pas idée
De ce que je vois
Les paupières closes
Comme ces maisons
Où l'on clôture la Chose
Les danseuses de flamenco
Font pourtant un bruit d'enfer
Claquant les talons
Sur le paquet de braise
Clac clac clac clac
« De l'autre côté des paupières »
Scène un, troisième prise

Vous n'avez pas idée
Du film qui se déroule
Lorsque je ferme les yeux
Comme une cigarette que l'on roule
Entre ses doigts
Avec un zeste de plaisir
Entre les lèvres
Celles qui m'aspirent
En chantant
Des chants que je ne comprends pas
Des mots à la voix grave
Comme un accent de fumée
Le Verbe à la voix rauque
Qui vient te bercer
Quand la nuit est tombée
Brusquement
Comme ton urine d'or dans la cuvette
La Nuit
Avec sa lune dorée
Et ses regards perdus
Qui cherchent quoi chercher
Les étoiles sont trop peu nombreuses
Quand on compte la Nuit
Regarde
J'ai des milliards d'yeux
Qui voient
Derrière mes paupières

On ferme !

Une dernière tournée
Quand même
Parce qu'il reste des couleurs
Qu'on n'a pas encore placées
Parmi les arcs-en-ciel
Il reste des marées
Qui remontent dans mon gosier
Comme le flux et le reflux
Du bassin des danseuses espagnoles
Et il en resterait encore
Si tu n'étais pas là
Si belle
À admirer

16/04/04

Sang vert

Debout ! Il faut toujours te tenir bien debout
Si ton poing est serré alors sers-toi du poing
Décroche les lunes le soleil est au bout
Raccroche ton portable il ne te sert à rien

Dans tes yeux certains soirs un raz d'marée se tord
Dans chacun de tes pas les pavés se soulèvent
Dans les cris que tu cries les voyell's se colorent
Dans tes crocs bien sortis j'imagine ta sève

Bats-toi contre le vent mêm' s'il faut te courber
Bats-toi face aux marées qui t'engluent sur la plage
Bats-toi avec tes arm's car nous somm's tous armés
Bats-toi dès qu'on te dit de rester là bien sage

Crache sur ton miroir lorsqu'il veut te séduire
Postillonne à la gueul' de tes propres amis
Vomis tes ennemis jusqu'à les faire frire
Vide-toi en entier dès le lever du lit

Car ta révolution n'attendra pas plus longtemps
Car cette rébellion est l'oeil pour enfin voir
Car seule la révolte accouche tes enfants
Car « le désordre c'est l'ordre moins le pouvoir »

Debout ! Il faut toujours te tenir bien debout
Prêt à te mettre en marche au moindre coup de feu
Annonçant le départ peu importe pour où
L'essentiel est d'aller loin loin vers d'autres cieux

Si ton poing est serré alors sers-toi du poing
Pour cogner et frapper sur les tabl's du réel
D'un coup de poing bien fort faire saigner les groins
Et lève le bien haut pour mieux frapper le ciel

Décroche les lunes le soleil est au bout
Alors tire le fil déroule la pelote
Jusqu'à atteindre l'astre et lui tordre le cou
Pour n'avoir pas assez illuminer ta grotte

Raccroche ton portable il ne te sert à rien
Il ne sait que mentir sans te laisser le temps
De déjouer ses tours de manège importun
Apprends à le laisser tourner dans le néant

Dans tes yeux certains soirs un raz d'marée se tord
Et il vient se pointer à la pointe du sein
Déchirant ton t-shirt pour mieux pointer dehors
Te soulever le coeur sous une pluie d'embruns

Dans chacun de tes pas les pavés se soulèvent
Pour t'ouvrir le chemin jusqu'au creux de mes bras
Là tu te sens si bien que seuls deux ou trois rêves
Pourraient te retenir de paver tes émois

Dans les cris que tu cries les voyell's se colorent
Pour épouser l'essence ensoleillée d'la nuit
De son charme étoilé qui jamais ne t'endort
Glissant dans les aigus qui s'aiguis'nt quand tu jouis

Dans tes crocs bien sortis j'imagine ta sève
Prête à envenimer les âmes incertaines
Qu'un coup d'oeil désempare et qu'un coup d'gueule achève
Qu'un coup de foudre embrase et qu'un coup d'vent ramène

Bats-toi contre le vent mêm' s'il faut te courber
Fonce tête en avant pour défier les tempêtes
Avec toute ta force embaumée par l'été
Tu laisseras derrière un parfum de violette

Bats-toi face aux marées qui t'engluent sur la plage
Suis les pour t'éloigner puis dis-leur au-revoir
Ta route continue bien après leur passage
Il faut savoir quitter ces marées d'un seul soir

Bats-toi avec tes arm's car nous somm's tous armés
Sous les fusils rouillés qui nous sortent des yeux
Les balles giclent bleues et le sang est teinté
De ces couleurs d'enfer qui font de nous des dieux

Bats-toi dès qu'on te dit de rester là bien sage
Ta place n'est jamais ici et maintenant
C'est plus loin et demain que s'exprime ta rage
Demain c'est aujourd'hui quand on commande au temps

Crache sur ton miroir lorsqu'il veut te séduire
Lorsqu'il te fait plus beau que tu ne te connais
Car tu sais ta beauté depuis que tu sais lire
Rien ne peut te tromper pas même ton reflet

Postillonne à la gueul' de tes propres amis
Ils te remercieront délectés de salive
Ils savent cet amour de t'avoir dans leur lit
Et ils t'embrasseront puisque par toi ils vivent

Vomis tes ennemis jusqu'à les faire frire
Tu n'es pas si cruel depuis l'temps que tu meurs
Tue ceux que tu veux tuer et éclate de rire
En voyant leurs veuves au travers de tes pleurs

Vide-toi en entier dès le lever du lit
Et envoie tes baisers à qui voudra les prendre
Oh tu trouveras bien dans le lit de la nuit
Un sexe en érection qui viendrait de se pendre

Car ta révolution n'attendra pas plus longtemps
Ne manque pas l'instant où déferle l'orgasme
Plonge-toi en entier dans ton con ruisselant
Pour mieux éclabousser ce monde pris de spasmes

Car cette rébellion est l'oeil pour enfin voir
Ce qu'on te tient caché dans la signalétique
Ce triangle isocèle à cribler l'isoloir
Avec ta solitude accroché à ta trique

Car seule la révolte accouche tes enfants
Si tu as une femme alors baise ta femme
Et conte-lui tout bas tes désirs d'elle ardents
Que naisse de son creux ce crime qui te crame

Car « le désordre c'est l'ordre moins le pouvoir »
Ton enfant naîtra libr' la vie entre les dents
Cet enfant du désordre il est ta propre histoire
Féminine et radieuse à l'épreuve du sang

15/04/04

Où l'on se dérida

L'art et la vie même sont-ils condamnés à passer par la déconstruction ? Tout se résume à trouver l'aiguille qui pourra crever la baudruche qui nous entoure. Rimbaud a perdu sa jambe, Van Gogh son oreille et Ravel son cerveau. Recevez par la poste ce qui vous fera vomir et peut-être qu'enfin il jaillira de vous des dormeurs troués, des tournesols ou des boléros. Mais après ? Après ? Faucher les tournesols ! Ressusciter les dormeurs en les couvrant de baisers ! Tout ce qui se bâtit sur les décombres devient à nouveau susceptible d'être inscrit sur un permis de démolition -- qu'il vous sera loisible d'aller quémander à la mairie de votre arrondissement, si on ne l'a pas encore plastiquée.

Nous n'avons pas la grâce ni la vacuité des Pénélopes. Ce que nous détricotons n'est en aucun cas le pull-over de l'attente. Nous n'attendons plus. Ou alors pour tromper l'urgence qu'on voudrait nous faire croire inéluctable. De toute façon les chandails ne sont jamais qu'une forme déconstruite des moutons. Alors on nous invente la Mode. Et on la détricote dès qu'elle commence a être portée. Moi ? Je me farde de nudité. Mais bientôt on ne pourra plus voir un sexe en érection au milieu d'un salon sans qu'il nous rappelle celui qu'on a connu dans l'isoloir.

La solitude est le seul rempart qu'il faut sans cesse construire. Et encore... Elle se meut dans le langage que d'autres savent parler. Le Verbe naît dans la solitude et meurt aussitôt puisque d'autres le comprennent. Alors on s'échange des baisers, on se trouve, on se plaît, on copule et l'on donne naissance à des êtres qui inventent leur propre langage. Ah cet instant pur et divin où l'on balbutie des mots qui viennent de nulle part, sinon des océans, et que les adultes cherchent absolument à faire rentrer dans les cases carrées où le rond n'a pas sa place !

Et pourtant... pourtant... Ce bonheur d'être assis à une terrasse ensoleillée où la barmaid aux seins lourds te sert des sangria à la fraise. Écouter les conversations futiles des couples qui se déchirent lorsque l'ennui prend la place du sexe dans le lit qu'on partage. Attendre qu'un accent italien vous chante une bière au milieu des nananas bobos, des cuisses qui embrassent le printemps et des chevelures rousses qui sirotent un brin de communisme. Ah...

Casser tout ça ! S'inviter dans des blue-jeans qui ne t'appartiennent pas et trinquer avec la mort lorsqu'elle veut jouer aux échecs en laissant passer son tour. Cracher à la gueule des miroirs lorsqu'ils commencent à répondre à tes interrogations. Dégueuler du Verbe jusqu'à se sentir vide avec encore la peau et les os à démonter. Casser l'adjectif car il n'est qu'une matérialisation désolée de la pauvreté qui nous sert de capital linguistique. Déchiqueter les dictionnaires qui ne restent jamais longtemps intacts et démolir les temples académiques où l'on accepte maintenant les Sans Déité Fixe.

Les ruines sont les lieux où enfin l'Espoir devient lui aussi une forme supérieure de la Critique. Lorsqu'on a tout démoli avec la lucidité du désespoir, lorsque les parpaings ont tous été jetés à la gueule du pouvoir, lorsque le feu a fini de cramer les arbres qui, loin de la cacher, sont la forêt, lorsque les pierres éparpillées racontent l'histoire séculaire de nos ébats désenchantés et la promesse incomprise qui nous tient lieu de vie, alors... alors la glace fond dans nos bouches avec cet envie furieuse de mordre au bâtonnet, alors les poitrines se gonflent d'un désir qui se laisserait caresser pour mieux se croire désirable, alors les chemisiers s'ouvrent pour laisser voir battre les coeurs. Mais ma parole ! Ça vit à l'intérieur !

Et alors on se prend à rêver que ce coeur qui bat ne batte que pour soi et qu'il cogne, pour peu que le soleil lui chauffe les ventricules, vers un lendemain qui ne serait pas qu'un travesti d'aujourd'hui, avec ses couilles qui pendent encore à la place du con où tout se construit. Pour que demain existe il faut que le passé soit dépucelé. Tu t'en vas ? Déjà ? Pourquoi ? Tu sais je t'attendrai hier avec la patience que des siècles d'agonie m'ont apprise. Dans ton Vésuve, la lave a érigé des tours que l'on peut détruire. Et qui s'en priverait ? Passé une certaine hauteur, les constructions les plus fragiles sont à la recherche d'auteurs qui veulent s'y scratcher.

Les droits d'auteur ? Ah ! Ils ne sont que l'antithèse de la propriété. À qui appartient les ruines ? À ceux qui ont démoli les murs emprisonnant qui nous confinent dans l'habitude ? Ou aux génies triomphant qui sont venu y planter un drapeau sorti d'on ne sait quelle lampe magique ? Les mots ne pouvant plus s'agencer sur une terre vierge, ils s'offrent corps et âme aux michetons de passage et racolent dans les rayons où on leur garde une place de choix s'ils sont assez "sex" pour passer à la télé. Alors ils appartiennent à celui qui aura assez de fric pour se les approprier. Putes de luxe ou livres de poche, alexandrins ou vieille traînée : tu payes avec ce que tu as dans les bourses. Alors tout est à toi, tu peux fixer du regard ton bien, ton précieux, ton objet.

« J'ai l'impression que tu ne me regardes que comme un objet » m'a-t-elle dit un jour. Et alors ? Comment voudrais-tu que je puisse te voir ? Avec cet oeil de cyclope qui te mate depuis l'intérieur ? Le regard bien droit ? Heureux Courbet ! J'ai des millions d'yeux dermiques qui se gonflent lorsqu'ils sont en toi, puis qui pleurent des larmes blanches. Quand je te vois, j'ai l'impression que tu me mettrais en quarantaine si mes voleurs se retenaient de te détourner sur ma tour sous la menace d'armes blanches. Mais si tu n'étais pas objet, je ne te verrais même pas, connasse !

Il n'est pas d'image qui ne prenne vie sans avoir été diluée dans le prisme de l'objectif. Il n'est pas de corps qui ne s'épanouisse sans avoir connu l'intrusion d'un corps étranger. L'acte sexuel comme l'acte créatif naît de la déconstruction de l'instant qui précède. Il n'est pas d'histoire en marche si le passé reste intact. Inviolé. Lorsque je mettrai un enfant au monde, c'est que tu m'auras violé.

03/05/04

Des larmes

Des larmes mouillant sur la peau
Là, comme une caresse à la joue de satin
Qu'on voudrait tant lécher d'un revers de la main
Pour en garder le goût salé et rempli d'eau

Des larmes triées sur le mauve
Des qu'on laisse couler quand le coeur est trop chaud
Et qu'il faudrait souffler des flammes flamenco
Qui dansent dans les yeux quand le chagrin se sauve

Des larmes vidant le trop-plein
Sur le coeur, dans le sang et sous la poésie
D'un printemps embrumé par la mélancolie
Qui dans les vers trempés cherche un brin de câlin

Des larmes, des larmes, des larmes
Et des pleureurs amers qui les jettent plus fort
Transperçant l'ennemi pointant son nez dehors
Pour lui trancher la vie avec le froid d'une arme

04/05/04

In vino veritas

C'est frais comme un jardin qu'on aime grappiller
Quand le jus de raisin vient vous désassoiffer
Quand le froid se réchauffe au contact de la gorge
Quand les jours sont vermeils dans les nuits de Saint-Georges.

C'est un refrain chantant au bras de ses amis
Qui vous entraîne loin dans les bas de la nuit
Quand les langues délient leur salive cachée
Et que l'on se confie entre quelque gorgées.

C'est une vérité qu'on dirait de bohème
Qui brille dans les yeux ouverts sur des diadèmes
Qui voient comme un voyant se mourant dans le noir
D'une lucidité qui ne dure qu'un soir.

C'est un peu de sommeil ensablant les paupières
Qui vient vous assommer de berceuses légères
Avant de s'endormir les rêves sont peuplés
De fesses rebondies, de cuisses écartées.

C'est l'alcool de Guillaume et l'absinthe de Paul
Quand la rime les prend, les tenant par le col
Sur les routes de Jack titubent les falaises
En bonne compagnie on se sent plus à l'aise.

C'est le fracas cassé dans une robe rouge
De ces anges déchus finissant dans un bouge
Et qui refont le monde au long des nuits sans fin
Pour mieux le démolir lorsque vient le matin.

C'est au coeur de l'Éden comme un baiser parfait
Dont se soûl'raient les dieux si les dieux existaient
Que je t'offre amoureux, qu'avec toi je partage
Encore bien meilleur au bout de six ans d'âge

04/05/04

Élégance du geste

Avez-vous remarqué que toujours les danseuses
Arc-boutent leur pied d'un geste vertueux
Et dans un mouvement délicat et gracieux
Leur peton qui se tend les rend tendancieuses ?

Avez-vous rêvassé suivant d'un regard biais
Ce rythme lancinant qu'échafaude leur corps
Jusqu'aux extrémités qui en bandent encor
Lorsque leur pied cambré vous appelle muet ?

Avez-vous salivé qu'il ne dans' que pour vous
Fragile et élégant ganté de son bas noir
Qu'on voudrait remonter jusque dans l'isoloir
Sur le dos d'un saumon remontant jusqu'au bout ?

La félicité naît d'un désir qui s'élance
Lorsque l'on prend son pied c'est toujours une danse

05/05/04

Inventaire imparfait

J'avais des nuits et des brouillards
Qui ne se confiaient qu'à moi
Deux lunes pendues à mes soirs
Jalousant le soleil tout bas
Deux ou trois chansons aux talons
M'apaisaient en sifflant mon ombre
Des fois qu'ell' se tir' pour de bon
Dans les ruines de mes décombres

J'avais des crayons de lumière
Qui faisaient les arcs-en-ciel bleus
Du ciel à repeindre la Terre
Tell'ment qu'ça débordait un peu
Des cartouches d'octosyllabes
Pour flinguer les alexandrins
D'un grand coup de tambour arabe
Avant qu'ils crèvent comm' des chiens

J'avais l'Espoir en bandoulière
Hissé sur un grand drapeau noir
Et quelques envies meurtrières
Bien planquées derrière un comptoir
Des flots de tendresse opportune
Prêts à enlacer bien au chaud
Chaque licorne d'infortune
Que j'entends cogner sous ma peau

J'avais de l'or dans les prunelles
Qui guidaient mes pas dans la nuit
Un sexe rasé de pucelle
Accroché au-dessus du lit
Une âme escaladant l'été
Qui s'enroulait au creux des ronds
Quand l'automne avait tant fumé
Qu'il manquait d'air dans mes poumons

J'avais le vent pour ramener
Les plus vieux souvenirs d'enfance
Et mes dix doigts pour bien compter
Tous les lendemains que j'agence
L'océan et ses chevaux blancs
Qui me remontaient en écume
Du fond de mon ventre d'amant
Chatouillé par six mille plumes

J'avais des rêves de désert
Qui moisissaient au vestibule
Les yeux qui s'inondaient de vert
Pour éponger les canicules
La rage au bout des baïonnettes
J'allais défricher les bastilles
Qui déprimaient dans leurs guinguettes
S'il venait à manquer de filles

J'avais Berlin, Prague et Moscou
Au fond d'une valise aphone
Les accents des quatre cent coups
S'en revenant de Barcelone
Le long couteau de l'Anarchie
Tranchant le brouillard et le pain
Comme l'on découpe sa vie
Pour mieux trier les lendemains

J'avais toi, toi, toi et puis toi
Pour regonfler ma propre vie
Tes bras, ton cul et tes émois
Où reposait mon alchimie
Ta mer je venais m'y baigner
Comme l'on plonge dans l'amour
Et j'y laissais un goût fruité
Qu'tu portais sur toi nuit et jour
Qu'tu portais sur toi nuit et jour

06/05/04

La mer qu'on appelle océan

L'océan cogne dans mes veines
Et vient s'infiltrer sous ma peau
Avec sa force surhumaine
Il s'épuise dans mon cerveau
Ces mots qu'il porte et qu'il enjôle
Depuis avant l'aube des temps
Ça doit faire lourd sur les épaules
Ces mots qui valent leur pesant
Et il sait conter des histoires
Que même Ulysse crut oublier
Des qui datent de la nuit noire
Des qui ont longtemps navigué
Sur ses chevaux d'écume blanche
Sous son limon d'après demain
Dans sa mémoire que j'emmanche
Quand je m'écoule entre ses seins

Et dans la rumeur des tempêtes
Son chant claque comme un drapeau
Les paroles se font plus nettes
Comme la lame d'un couteau
Ses lames tranchent les blessures
Balançant leur archer salé
Qui s'élance sur la mesure
Creusant l'usure des rochers
Écoute bien ô ma sirène
Tu pourras entendre ton nom
Qui revient comme une rengaine
Avec le mien dans son sillon
La mer joue les entremetteuses
Pour les amants montés à bord
Dans son palais son eau lécheuse
Mouille de caresses leurs corps

Ce ciel qui a fait la bascule
Ce sombre azur au bleu profond
Crachant l'eau de ses ventricules
Pour oxygéner ses poumons
Cet horizon à la renverse
M'arraisonne dans mon sommeil
Lorsque mes rêves se déversent
Sur sa nostalgie de soleil
D'un coup d'aile je deviens mouette
Suggérant ma voilure aux flots
Pour qu'à ma poitrine ils s'allaitent
Quand il floconne à demi-mot
La neige envolée en écume
Où se dessèchent les rochers
Drapés sous la pudique brume
Qui s'enfile comme un collier

Et cette clameur retenue
Et ce silence des bas fonds
Qui glisse sur notre peau nue
Comme pour piquer nos soupçons
Cette tranquillité aqueuse
Effrayante d'immensité
Pourrait bien devenir houleuse
En bifurquant son chemisier
Et lorsque ses chiens se déchaînent
Lorsque tonne leur grondement
Lorsque la ronde des sirènes
Déferle sur les subconscients
Le sang s'éteint dans la morsure
Et se noie sous ces crocs guerriers
Que la violence défigure
Comme l'automne tue l'été

Ô souviens-toi de ces falaises
Rappelle-toi de ces réveils
Où nos coeurs retrouvaient leurs aises
Près des rochers aux tons vermeils
À nos pieds s'échouait Neptune
Et ses naïades s'inclinaient
Devant nos baisers de fortune
Que l'océan même embrassait
Je suis sûr que dans sa matrice
Éclosent un jour les enfants
Que la nuit en tendre complice
Lui souffle en désirs ruisselants
L'océan couve en chaque étoile
Ceux qui ne sont encore nés
Et les protège de son voile
Et leur insuffle la Beauté

27/05/04

Sigle (improved)

Ô ma sainte nana céleste et féminine
J'ai des envies de toi qui me mont'nt à l'échine

Je t'aime depuis six siècles déjà
Et même depuis bien avant encore
Depuis tout ce temps que je vis en toi
Que tu t'insinues dans ma métaphore
Avant même que ton nom se prononce
Je te balbutiais mes désirs sans nom
Avant même que ta marée s'annonce
Je nageais en toi dans tes alluvions

Ô ma sainte nana céleste et féminine
Quand tu te fonds en moi nos reflets s'illuminent

Dans chaque miroir où tu te reflètes
J'attrape ton regard mon ange bleu
Je te garde ainsi dans mon épuisette
Épuisé d'envie d'échouer dans tes yeux
Car les visions que je ne peux pas voir
C'est par ton regard que je les repère
Comme ces rêves qui chantent l'espoir
Et que tu vis derrière mes paupières

Ô ma sainte nana céleste et féminine
Il n'y a que ton corps que ma peau imagine

Je te sais liquide comme la mer
Prête à envahir tous mes interstices
Dans la chaleur éprouvée de nos enfers
Il n'est de paradis qui ne s'y glisse
Lorsqu'on nage dans des amours limpides
On s'inonde de flots impétueux
Que l'on boit dans nos muqueuses avides
De se noyer à jamais dans le bleu

Dans le creux de tes bras ce bleu je le devine
Ô ma sainte nana céleste et féminine

31/05/04

C'est d'la balle

Un coin de peau qui se découvre
Comme l'on découvre un pays
Où soudain les rêves s'entrouvrent
Sur cette île de paradis
C'est d'la balle
Cette Terra Incognita
Que l'on mourrait tant de fouler
De caresses à chaque pas
De tendresse à chaque baiser
C'est d'la balle

Ces seins qui sortent de leurs gonds
Formant en leur creux une crique
Où l'on ferait le grand plongeon
Sous le t-shirt en acrylique
C'est d'la balle
Et quand ils glissent sur la peau
Ces habits qu'on dirait de soie
Le désir perle encor plus chaud
Qu'une larme qui s'rait de joie
C'est d'la balle

Ce va et vient de la marée
Qui vous enroul' comme une vague
Tout contre une chair si mouillée
Qui vous cercle comme une bague
C'est d'la balle
Ce cri qui vient de l'infini
Déchirant toute ambiguïté
Cet amour sous un sein blotti
Qui jouit de s'être libéré
C'est d'la balle

Ce coin de peau qui se révèle
Être le plus doux des linceuls
Quand sous sa couvertur' ruisselle
Un souvenir qui n'est plus seul
C'est d'la balle
Cette terre offrant un asile
Aux désirs qui s'en vont errant
Et dans son réconfort tranquille
S'endorment heureux les amants
C'est d'la balle

08/06/04

Invitation au voyage

Viens ! Je t'emmène vers demain
Dès aujourd'hui nous partirons
Prends aussi deux ou trois copains
Et finis d'oublier les cons
Là-bas tu n'en as plus besoin
Ah bon ?

Viens ! Je te ferai croire au mauve
Je te ferai voir des couleurs
Qui te suivent si tu te sauves
Qui se plantent là dans ton coeur
Comme la morsure d'un fauve
T'as peur ?

Viens ! Et l'on ira s'égarer
Dans des yeux rieurs, des sourires
Où l'on oubliera volontiers
Que nos corps tout entiers transpirent
De ne savoir où se poser
Sans rire ?

Viens ! Et si jamais on s'engueule
Notre solitude on aura
Qui s'éveillera toute seule
Lorsqu'elle nous reconnaîtra
Avec nos désirs sur nos gueules
T'y crois ?

Viens ! J'ai des ailes d'albatros
Qui sav'nt parler avec le vent
Dans les failles intra-muros
Elles se déploient comme un chant
Résonnant dans tout le cosmos
T'entends ?

Viens ! Allez viens tout contre moi
Un nuag' coule entre mes seins
Un seul mot et il est à toi
Un seul geste et je t'appartiens
Comme l'étoile entre tes bas
Tu viens ?

09/06/04

Je sais ailleurs enfin

Je voudrais que dans la foule
Il y ait une voix douce qui s'élève
Et qui réponde aux histoires que l'on m'a contées
Il paraît qu'une fois qu'on touche terre
Il n'y a plus moyen d'en décoller
On m'a dit que seuls le mauve et le bleu
Permettaient de respirer
Moi, je respire dans ma chair
Entre mes nuits, je vois qu'il reste des étoiles
Qui se satisfont des deux lunes
Pourtant il faut casser les habitudes
Je sais...

Parfois j'ai envie de n'être que moi
Mais c'est là que tu viens me chercher
Et puis je t'aime alors à quoi bon ?
Certains chevaux dans la mer se laissent monter
Alors je m'accroche à ta crinière
Et j'ai des flashes de toi qui se kaléidoscopent
Mettant de la lumière à ma mémoire
Le soleil je l'ai touché un beau soir de juin
Et j'ai mis une couche d'été à l'automne
Parce que tu es plus jolie en jupe légère
Et parce qu'il fait assez froid ailleurs
Ailleurs...

Il faudra désormais des taxis qui sachent voler
Et dont le compteur tournerait aussi vite que la Terre
Sans quoi nos utopies bleutées nous rattraperaient
L'espace d'un instant j'ai cru en moi
Puis j'ai écarté le temps jusqu'à l'infini
J'ai saupoudré ton corps de mes lèvres
Si bien que tu m'as baptisé baiser
Un jour mon corps apaisé se couvrira de roses
Et au milieu des pétales où tes larmes se nicheront
Il restera toujours trois ou quatre épines
Pour nous protéger du brouillard de la foule
Enfin...

09/06/04

Troubles de la mémoire

Je me souviens qu'un jour j'avais de la mémoire
Pleine de souvenirs nageant à la surface
Comm' des scaphandriers enlevant leurs cuirasses
Pour venir respirer un air aléatoire

Je me rappelle bien ces souv'nirs en rafale
Qui remontaient en choeur se tirant en cordée
Arrivant au sommet d'une joie délivrée
Après une escalade émergeant d'un dédale

Mais ce satané temps a brouillé ma mémoire
Toujours y empilant oh toujours plus d'histoires
Comment s'y retrouver au milieu de ce souk

Je n'sais même' plus quel nom j'ai le plus oublié
De tous ces disparus que j'ai semé en rout'
Alors j'répèt' le tien au bout de mes baisers

14/06/04

Vivaldi

Si le printemps c'est bien joli
Avec ses fleurs qui ressurgissent
Ses urgences qui refleurissent
Et son p'tit air de colibri

Si l'automne est tant grandiose
Toute habillée de symphonies
De couleur et de nostalgies
Effeuillant même jusqu'aux roses

Si l'hiver a cette sagesse
Que l'on prête aux cheveux tout blancs
Qui disent au revoir au Temps
Avec un bouquet de tendresse

Moi ce que j'aime c'est l'été
Qui fait refleurir les poitrines
En les saupoudrant d'érotine
Dans ses parfums ensoleillés

Lorsque le désir se fait jupe
Que d'outrageuses éclaircies
Fendent les cuisses à l'envie
Pour que le vent s'en préoccupe

Lorsqu'un délicat brin de soie
Fait un lit à la suggestion
Qui se gonfle sous les poumons
Où les rayons ardents flamboient

Lorsque l'imaginaire en vogue
N'a plus qu'un voile à écarter
Pour que son charme alambiqué
S'épile au long de l'épilogue

Ô cette gorge de l'été
Et son air chaud qui vous envoûte
De son blues au bleu qui s'ajoute
Aux rivières au corps léger

21/06/04

Paternité

Il faudra lui apprendre à percer les nuages
Pour découvrir le ciel bleu même sous la nuit
À défier l'hiver et ses espoirs blanchis
À modeler le temps sans lui donne de gages

Il faudra le conduire à travers les écueils
Qui souillent l'océan où sa mer se prolonge
À travers les forêts où son ombre se plonge
Sous l'orage imprévu des idéaux en deuil

L'espérance est à lui l'enfant de l'innocence
À ses yeux mal voyants à ses poings trop petits
Pour frapper de rage aux portes de l'enfance
Qui s'ouvriront sur l'air où respire un répit

Le désordre du monde est à portée de lune
Il faudra lui montrer comment il se saisit
Comment il se combat dans l'aurore opportune
Sans l'oppression des lois qu'une impression détruit

Il faudra lui chanter des refrains de neuvième
Avec une guitare ouverte sur l'amour
Quand la musique au ventre évite les discours
Épousant la cadence enivrée de poèmes

Il faudra des voiliers s'envolant des jupons
Portant son corps léger lorsque la bise vente
Et s'il lui manque une aile il faudra des passantes
Qui de fil en aiguille enfilent l'horizon

Il faudra lui montrer ces rues où l'on ne va
Que lorsqu'on est perdu la gueule au fond d'un rêve
Et ces nuits et ces jours qui lui ouvrent leurs bras
Pour y flâner encor quand l'infini s'achève

Écoute-moi chanter mon enfant de demain
J'ai des chansons de vent qui berceront ta vie
Et tu t'endormiras sur des alexandrins
Et l'imagination comme le poing brandie

26/06/04

Urgence de la solitude

Il n'est pas d'urgence moins négociable
Que celle qui te fait te retourner
Vers ce doux état de l'être sociable
Que la solitude essaie de nommer

Tu nais seul et de même tu mourras
Entre les deux : rien ! Ou sinon ta vie
Passée entre ces moments d'apparat
Où tu côtoies ces autres que tu fuis

L'Autre est un animal si effroyable
Qui te voit en effroyable animal
Pour un peu il se montrerait aimable
Et tu l'aimerais et c'est bien normal

Puisque lui aussi t'aime infiniment
De cet amour qui casse l'habitude
Et qui dépose au sexe des amants
Le pouvoir de marier deux solitudes

29/06/04

Ce seul mot

Quand tes lèvres s'entrouvriront
Et que pour la première fois
Elles prononceront un son
Drapé de couleurs et d'éclat
Ce mot couvera dans son oeuf
La plus merveilleuse merveille
Sans qui les astres seraient veufs
Comme une lun' qui s'ensoleille

Ce mot qui sera ton premier
Sera comme une poésie
Comme un accent d'éternité
Quand on oublie qu'elle est enfuie
Lorsqu'arrive seul de la nuit
Un chant que l'on a toujours su
Mais qui n'avait jamais surgi
De crainte de se montrer nu

Il en viendra d'autres bien sûr
Qui cavaleront des collines
Et qui déploieront dans l'azur
Leurs ailes qui se croient divines
Mais dans l'instant de ce mot là
Tout sera à réinventer
La musique d'or se taira
Se retenant de respirer

Et j'enverrai ce mot béni
Polleniser dans les étoiles
Là il sera bien accueilli
Entre des seins gonflant leurs voiles
Les bateaux du ciel le prendront
À leurs bords comme un camarade
L'emmenant dans des pays blonds
Où luit la croupe des naïades

Ce mot s'écoulant de l'aurore
Ce mot défaisant les orages
Cette poésie indolore
Pour une fois sans cri sans rage
Ce seul mot de toi tout entier
Clamant toutes les poésies
Je l'oublierai le chercherai
Dans tout le reste de ma vie

20/07/04

Diktat du oui

Il est des paradis perdus
Où les filles disent
Toujours
Tout de suite
« oui »
Alors on s'y ennuie
Et l'on n'y revient plus
Voyez-vous ?
Acquiescer comme ça
À tout va
Ça manque de démocratie !

C'est que voyez-vous
(en jetant aux enfers vos orbites oculaires
pour vous fier davantage aux milliards d'yeux
qui fleurissent sur votre peau)
Voyez-vous c'est que ces femmes
En tout sujet
Et devant n'importe quel interlocuteur
Ne pensent qu'à l'Amour
Avec ce A majuscule qui fait
Que l'on se tait devant une Arme
Aussi tranchante que la Musique
Que l'on crie à l'Absolu
Devant le spectacle de l'Océan
Qui déferle devant vous de ses six cent mille chevaux
Que l'on désire l'Autre
Autant qu'on le craint
Quand on s'aperçoit qu'il n'existe
Que dans l'échafaudage d'un miroir infidèle
Qui fait que l'on ne peut dire « non »
À un Amour
Qui se présente devant vous
La poitrine découverte
Par un coeur battant trop fort

Il est des paradis perdus
Où l'on se délecte d'un coin de peau
Tellement qu'on appelle le Soleil par son nom
Et qu'on le prie de briller un peu plus
Juste assez
Pour que brillent les cuisses
De ces femmes qui disent « oui »
Sans qu'on leur demande
Il suffit d'un sourire asiatique ou d'un regard persan
Et le coin de peau vient vous caresser
L'imaginaire
Et tout coule de là
De cette Source
Que des lèvres fredonnent :

De ce chagrin salé qui coule entre les cuisses
De cette source bue qu'on ne fait que happer
Qui chauffe le gosier comme un bouquet d'épices
Qu'il est doux qu'il est bon ô de s'y ressourcer

À ce fleuve aux amants à l'allure tranquille
À ce cheval fougueux que l'on chevauche à cru
Qui vous emmène loin mais qui se fait docile
À ma source éclairée que ne t'abreuves-tu ?

Et il naît des songes
Au-delà des rêves
Où l'ozone est érogène
Où chaque geste esquissé
Se déroule au ralenti
Avec une somptueuse précision
À faire pâlir la mathématique
Où l'on emprunte des chemins
À la géométrie toute relative
Qui conduisent inévitablement
Vers ces oasis
Qui toujours
Tout de suite
Disent « oui ».

23/07/04

Ton sentiment

Les pages s'envolant en brise
Il me reste ton sentiment
Ton sentiment qui se déguise
Dans chaque souffle chaud du vent
Ton sentiment qui tourbillonne
À en déchirer les tympans
Comme feuille morte à l'automne
Ou plume légère au printemps
Ton sentiment qui déshabille
Ton sentiment qui se nourrit
De cette nudité de fille
Qui sur ta peau a fait son lit

Ton sentiment d'entre tes cuisses
Ton sentiment d'entre tes seins
Ton sentiment toujours propice
À balancer dans ton bassin
Ton sentiment qui se fait femme
Au milieu de mon féminin
Ton sentiment pénétrant l'âme
De mes désirs intra-urbains
Les pages s'envolant en brise
Sous les caresses des amants
Il reste ta Terre promise
Ton sentiment ton sentiment

Et mes rives bleues se colorent
De ces parfums que tu habites
Ton absence m'est indolore
Car ton sentiment ne me quitte
La ville s'est faite sensuelle
En pleurant ta beauté subite
Qui s'incruste dans mes prunelles
Que ton seul sentiment excite
Ton sentiment d'entre tes cuisses
Drapé de soie et de satin
Comme un baiser sur ta peau glisse
Comme une source entre tes reins

Mon bel oiseau ô ma tendresse
Que n'avons-nous assez volé
À travers ces cieux de caresses
Que ton sentiment sait trouver ?
Que n'avons-nous écrit les ailes
Pour doucement un peu planer
Sur ton sentiment où si belle
Tu viens chaque nuit te poser ?
Et mes rives bleues se colorent
De ces ailes jamais écrites
Quand ton sentiment prend encore
Vers mes verts rivages la fuite

Ton sentiment calme et tranquille
Adossé sur le sable fin
Dont nos rêves couvrent la ville
Lorsque tout le reste est éteint
Ton sentiment sur ta poitrine
Soulevant une inspiration
Comme une muse en mandoline
Venant aiguiser mon violon
Mon bel oiseau ô ma tendresse
Repose-toi à mes côtés
Laisse doucement sur tes fesses
Ton sentiment s'ennaviguer

Et dans sa jeunesse éternelle
Ton sentiment a tant nagé
Que la vie éprise et fidèle
Vient chaque jour le raviver
Émergeant de chaudes abysses
Il prend son souffle à respirer
Et dans l'azur de tes iris
Ton sentiment bat ressourcé
Ton sentiment calme et tranquille
D'un rire s'éveille soudain
Écarquillé comme une pile
Ton sentiment luciole enfin

Les pages s'envolant en brise
Il me reste comme un délice
Ton sentiment d'entre tes cuisses
Dans une steppe qui me grise
Et mes rives bleues se colorent
De ton sentiment ma princesse
Mon bel oiseau ô ma tendresse
Je m'enivre de ton aurore
Ton sentiment calme et tranquille
Chaque nuit me refait pucelle
Et dans sa jeunesse éternelle
Sur mon corps il vague gracile

12/08/04

L'espace d'une vie

L'espace d'une lune elle m'est apparue
L'innocente vision qui vous transforme en dieu
Comm' si la vérité ne brillait toute nue
Que le temps qu'un éclair s'enflamme dans vos yeux

J'ai connu un pays qui s'appelle l'enfance
Où ces instants duraient jusqu'au prochain matin
Où chaque blanc nuage était un jeu immense
Prétexte à démolir les desseins du destin

Et là s'échaffaudaient des mondes fantastiques
Des univers entiers faits de briques légo
Des sports imaginés des jeux extralympiques
Des féeries d'amour et des romans pornos

Je tenais dans mes mains une vie à construire
Je me fis architecte et ouvrit le chantier
Je gardais ma folie préservée du délire
Pour peindre un édific' que je pourrais signer

Mon rêve consigné au fond de poésies
J'éprouvais cette douce euphorie du maçon
Qui sait bien qu'une fois une maison finie
Son rêve érigera la prochaine maison

La poésie s'agite agençant ses murailles
Sa rime et sa métrique encadrant ses élans
Évitant à ce coeur qui rythme ses entrailles
De battre hors de propos plus vite que le temps

Vers après vers se meut l'ouvrage du poème
Serpentant dans le sable où surgit son décors
Chaque quatrain cimente à grands coups de « je t'aime »
Chaque espace bleuté qui épouse son corps

Et dans ce sûr couloir ô sainte liberté
Qu'il est bon qu'il est doux lorsque l'esprit navigue
De balbutier son désir à l'abri de la digue
Qui sertie de sonnets est venue l'embrasser

Et dans cette embrasure on se laisse glisser
Emporté par les mots ceux qui tissent la fresque
Aigus comme une extase ils vous arrachent presque
Une giclée spermée de créativité

L'espace d'une lune il est des poésies
Qui vous écrivent plus que vous les écrivez
L'espace d'un recueil mille ans de votre vie
Devant vos yeux courbés ont d'un coup défilé

Il y eut dans le creux de cette vie des failles
Plaies ouvertes en grand brûlées par le soleil
Enfonçant ses rayons jusque dans les entrailles
Comme une alarm' sonnant juste avant le réveil

Prévenu de la foudre et des risques d'orages
J'ai puisé dans la faille une idée de l'enfer
Qui se souvient de moi lorsque s'avance l'âge
Et que j'oublierais d'écouter son tonnerr'

L'espace d'une lune il poussa des armures
Qui me servirent d'ail's pour voler dans le temps
Emmenant dans mon bec quelques pierres bien dures
À poser sur le mur et sur mon sentiment

Au long du chemin vert il y eut ces bleus d'orange
Que la terre fait sienne à l'orage passé
Dans une dominante affermie mais étrange
Que le Temps à nouveau s'est mis à dominer

Il me fallait un coeur qui console et rassure
Avec assez de bras, de culs à contenter
Avec assez d"émoi pour combler les fêlures
Il me fallait un coeur sachant comment m'aimer

La quête commença alors dans l'espérance
D'un sexe à adorer au bord du féminin
Sans dormir une nuit je cherchais une chance
À qui je sourirais en découvrant ses seins

Et j'appris à aimer sans m'oublier moi-même
Et puis à m'oublier tout à fait dans l'amour
L'équilibre est parfait lorsque vraiment l'on aime
Et qu'on est prêt à vivre ou mourir tous les jours

J'ai connu les douleurs qui viennent de l'attente
De l'espoir grossissant jusqu'à vous englober
Dans son voile innocent et d'une tumeur lente
Je l'ai vu doucement en désespoir muer

J'ai connu aussi cette fée électrique
Qui tiraille les sens et fait croire au bonheur
Qui vous perche là-haut dans un ciel de musique
Où si passionnément les violons jouent en choeur

Et je t'ai connue toi l'espace d'une vie
Et nous avons appris à construire un amour
Jour après jour avec la patience infinie
Qui bâtit les déserts, mers et cieux tour à tour

L'espace entre l'espace était, ah ! la Musique...
Parfaite construction parmi les constructions
Concordance des temps rêverie mélodique
La musique est un cri qui vient de l'abandon

S'abandonnant entière à quelque étroite gamme
Ell' sait la liberté d'être sainte et putain
De fair' ce qui lui plaît au bon gré de son âme
Pourvu qu'elle soit belle à envoûter un saint

Et elle s'insinue jusque sous la chasuble
Pointant là sous la peau comme un sein trop gonflé
Qu'un battement de coeur au rythme irrésoluble
Soulèverait des nues pour le faire danser

La musique est entrée et s'est tapé l'incruste
À chacun de mes pas elle montrait le la
D'un flux presque sensuel s'écoulait au plus juste
Au creux de l'érogène ell' s'insinue en moi

La poésie parfaite est toujours musicale
Car elle est ce qui lie ce qui porte et soutient
Sans la musique au cul l'aube devient bancale
Et jusqu'au crépuscule agonis' comme un chien

On ne le sait que trop l'édifice est fragile
L'espace d'un éclair peut être foudroyé
Tout ce qui avait mis tant d'efforts si fertiles
À croître en luxuriant espoir d'éternité

Il n'est pas de douleur qui soit plus douloureuse
Que celle remettant en cause en somme tout
Comm' si une déesse externe et capricieuse
Venait défoncer votre âme tenant debout

L'espace d'une lune agonise un soleil
Comment l'astre divin a-t-il pu oublier
Que lorsque son amante entame son éveil
Il est grand temps pour lui de finir d'expirer ?

Car le jour c'est la nuit et sans nuit plus de jour
Il n'est aucun automne ignoré des saisons
De vague sans tempête aucune nuit sans jour
Toute construction doit inclur' sa destruction

Après tout on ne vit dès sa propre naissance
Qu'en connaissant très bien quel sera notre sort
Et l'on passe sa vie dans cette connaissance
Qui ne nous quitte pas : la vie inclut la mort

L'espace d'une lune ou d'une vie qu'importe !
Mais que de cet espace il reste un souvenir
Solidement gravé dans ces chants que colport'nt
Poètes et marins à bord de leurs navir's

Qu'il te reste ce goût quand ma lèvre se sauve
Déposant sur ton corps des comètes de sel
Cet éternel instant où tu jouis dans le mauve
Avec mon plus beau rêve à portée de ton ciel

Je veux que quelque part mon sang indélébile
Se déverse sans fin sur ceux qui m'ont aimé
Comme la mer se noie d'un coup de langue agile
Dans les rochers s'incruste et s'offr' l'éternité

Que dans l'azur tombant quand le soleil sur la dune
Disparaît dans la nuit que reviennent ces vers
Où je rêvais tout haut aux secrets des deux lunes
Que j'étais leur ami partageant leur éther

J'aimerais que mes mots creusent le temps qui passe
S'y forgeant un écho âgé de dix mille ans
On ne vit après tout que pour laisser des traces
Où puisse se tracer celle de notre enfant

Cet enfant qui déjà galipette en ton ventre
Que je ne fais que rêver au milieu de mes vers
Qui m'a déjà tourné le coeur tout à l'envers
Vers qui dès maintenant mes rimes se concentrent

L'enfant de toi et moi je le vois dans mes larmes
Quand il ne fera plus que dormir et téter
Agrippant ton sein nu comme pour respirer
Sans même y penser trop, inconscient de son charme

Lors je lui bâtirai son tout premier berceau
Là où il construira ses premières rêv'ries
Dans la musique songe émanant de ta peau
Où ton parfum compos' toute une symphonie

Dans les yeux de la nuit perché sur une étoile
Pour le moment il n'est que l'insondable écho
Qui gigote ses pieds pour shooter dans mes mots
Les envoyant au but là où je peins sa toile

Plus belle oeuvre je crois je n'en connais aucune
Car cet enfant tout bleu est vêtu de couleurs
Que l'arc-en-ciel ignore en sa peinture en pleurs
Et il vivra aussi l'espace d'une lune...

08/09/04

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